"Préhistoire" de la clarinettePrincipe. La clarinette est un tuyau cylindrique ouvert à l'une de ses extrémités et quasi obstrué à l'autre par une anche simple battante. Celle-ci, sous l'effet du souffle de l'instrumentiste, met en vibration la colonne d'air du tuyau qui est percé de trous. L'ouverture ou la fermeture de ces derniers provoque la réduction ou l'allongement de la colonne d'air et modifie de ce fait, la hauteur des sons.
Ascendance. La clarinette est un instrument relativement jeune puisqu'elle a moins de 300 ans.
Comme la plupart des instruments à vent anciens ont perdu leur embouchure, on ne peut affirmer en toute certitude que la clarinette ait des ancêtres lointains.
D'après André SCHAEFFNER, dans l'Egypte ancienne, à partir du troisième millénaire, serait attestée l'existence de clarinettes doubles - ou plutôt pour éviter tout anachronisme, de "pré-clarinettes doubles" faites de deux tuyaux cylindriques parallèles. La distance séparant ces deux tuyaux peut aller jusqu'à deux mètres comme dans certains instruments de la région de Port-Saïd en Egypte.
L'arghoul et la zummâra La zummârah et l'arghoul Arabes, ainsi que la cai ken doi Annamite (Vietnam et Cambodge actuels) en seraient, de nos jours, d'incontestables survivants. Tandis que la launeddas, encore pratiquée notamment en Sardaigne, fournirait un modèle de "pré-clarinette triple". Ces instruments se composent de deux tuyaux cylindriques de roseau de longueurs différentes attachés parallèlement.
L'un et l'autre sont mis en vibration au moyen d'une anche, laquelle consiste en un tuyau de roseau dont on a détaché une languette par une double fente pratiquée longitudinalement.
Pour en jouer, le musicien doit enfoncer entièrement dans la bouche les deux languettes taillées (qui servent d'anches) sur les bords du roseau.
La zummârah est une sorte de clarinette double, composée de deux tuyaux cylindriques assemblés parallèlement. On utilise la même anche que pour l'arghoul.
Il semble également que le gheteh égyptien (3ème place sur le schéma) ait lui aussi quelques analogies avec la clarinette : tuyau cylindrique percé de six trous, terminé à la partie inférieure par un pavillon en fer blanc. L'anche simple est attachée au tuyau par un cordonnet (à noter que les gheteh s'emploient toujours deux à deux, l'un des instruments joue la mélodie tandis que l'autre ne fait que soutenir la même note.
Parenté. L'aulos des Grecs, déjà mentionné par Homère, et la tibia romaine sont de proches parents de l'arghoul égyptien.
L'aulos grec est un instrument à tuyau cylindrique percé de six trous et à anche.
La tibia romaine est du genre chalumeau (nous en parlerons plus loin) à perce cylindrique mais à anche double. Percée de plus d'ouvertures latérales que l'arghoul, son étendue en est plus grande.
Dans les pays de l'Est de l'Europe, nous avons le tarogato. Cet instrument a été construit par la maison Schunda de Budapest et présenté en 1896 à l'Exposition de la Hongrie millénaire comme un rappel des temps historiques.
Les Italiens prétendent que le chalumeau à anche simple est issu de la ciaramella faite d'un roseau fermé à l'un de ses orifices, percé de sept trous et fendu obliquement près de l'orifice bouché; la languette de roseau ainsi obtenue et suffisamment amincie constitue l'anche, ce qui en somme serait un premier perfectionnement, une transformation de la flûte eunuque.
Quittons cette généalogie incertaine et venons-en à la clarinette actuelle qui dérive du chalumeau français.
Etymologie du mot chalumeau :
Chalumeau, autrefois chalemiau, du bas latin calamellus, diminutif de calamus, roseau.
En anglais : shawn.
En allemand : schalmei ou schalmey
En italien : piffero
"On est isolé de tout, et on n'entend aucun bruit, si ce n'est, à la tombée du soir, les chalumeaux des bergers qui rassemblent leurs chèvres dans les montagnes alentours". Pierre LOTI (1850-1923)
Le terme chalemie ou chamelle désigne aussi biend es instruments primitifs à un, deux ou trois tuyaux que des formes plus évoluées fondées sur le principe de l'anche double, en paille ou en roseau. Venues, semble-t-il, du Proche-Orient au XIIème siècle, les chalémies forment au Moyen-Age une famille complète d'anches doubles que cite, vers 1340, le poère Lefèvre de RESSON en les mariant aux "cornemuses" ou aux "doucennes".
En 1376, il sera question de leurs basses appelées bombardes. En 1847, J. Tinctoris compare les chalemies aux "tibiae". Elles ont alors six, sept ou huit trous. Dans ce dernier cas, les septième et huitième trous, selon la position de la main, peuvent émettre le même son. Les anches sont fixées sur un cuivret, tuyau fin et métallique que l'on introduit dans l'extrémité du tuyau conique.
Ainsi, les chalmies (voir le dernier dessin sur le schéma ci-dessus) sont-elles les ancêtres directs du hautbois classique.
Etait-elle l'instrument grave appelé flûte eunuque (monophone) ? A n'en pas douter, la clarinette faisait cependant partie de l'ensemble des instruments à vent désignés par les Grecs sous l'appelation d'auloi.
Mais seul Aristote (380 ans avant J.C.) en parle lorsqu'il dit "l'anche oblique" (l'anche simple) donne à l'aulos des sons plus doux parce que "l'air" (le souffle) y pénètre immédiatement dans un espace plus large que dans l'anche double.
Description du chalumeau : Le nom de chalumeau a été appliqué à divers instruments à vent à anche.
De façon générale, il désigne un pipeau pastoral fait à partir d'un épi de maïs ou peut-être du chalumeau de blé. Il a été décrit par le Père Mersenne dans son "Harmonie Universelle" (1630).
Le chalumeau du Moyen-Age se composait du corps de l'instrument, ordinairement en roseau, quelquefois en buis et d'une anche battante également faite d'une languette de roseau. Sa colonne d'air était cylindrique et il ne pouvait produire qu'une série de sons fondamentaux.
Au XVIème et XVIIème siècles, les Français utilisaient un instrument semblable dont l'anche était montée sur une sorte de bec placé dans une capsule à l'extrémité de laquelle était placé un petit tube qui servait d'embouchure. Cet instrument ne possédait pas de pavillon. Son échelle sonore, c'est-à-dire l'ensemble des sons qu'il produit, était une neuvième chromatiquement incomplète et les sons en étaient mats.
D'après Mimart, professeur de clarinette au Conservatoire National de Paris (de 1905 à 1918), les chalumeaux étaient encore des instruments d'orchestre pendant la seconde moitié de XVIIIème siècle.
Ce chalumeau ne paraît pas avoir attiré l'attention particulière des facteurs avant la fin du XVIIème siècle. A cette époque, il forme une famille complète de quatre instruments :
* Le soprano ou discant, en la
* L'alto ou quarte ou haute-contre, en mi
* Le ténor ou taille en ut
* La basse ou basse taille (à l'octave basse du soprano)
Le Bayerisches National Museum à Munich conserve deux chalumeaux de grandeurs différentes. De pas sa taille, le plus petit est sans doute le soprano, le plus grand en ut est fort probablement le ténor. Il porte la marque I. Denner (1655-1707) et est muni de deux clés dont la date leur invention n'est pas connue (elle remonte sans doute au Moyen-Age).
Etendue du chalumeau à deux clés :
(X) A noter que l'intonation de la note marquée d'une croix est douteuse, Majers lui donne l'intonation du Si Bémol.
Cette famille ne serait-elle pas aussi un héritage de XVIème siècle ? Nous savons que la facture instrumentale n'est pas restée indifférente au grand mouvement artistique de la Renaissance qui, non seulement améliore, épure la forme, mais range en familles complètes, du soprano à la basse, les instruments que lui a légué le Moyen-Age.
En 1620, Praetorius, dans son Syntagma Musicum, nous a donné la nomenclature de différentes familles.
Emploi du chalumeau : Quelques compositeurs ont utilisés le chalumeau, notamment : Ariosti, Bononcini, Fux, Gluck, Graupner, Händel, Hasse, Keiser, Telemann, Dittersdorf, Ziani, Caldara, Vivaldi, ...
En Tchécoslovaquie, il existe des instruments folkloriques "fanfarka" ressemblant à de petits chalumeaux et on trouve an Allemagne une sorte de chalumeau à deux clés avec embouchure de clarinette, connus sous le nom de "Kinder-clarinette".
Source : http://users.skynet.be/LC/Clarinet/Histoire/Hist2.htm#Naissance, avec l'aimable autorisation de Laurent Calomne