Je suis tombé par hasard et par chance récemment sur un DVD dont le titre semblait comme une accroche commerciale. Je le visionnai sans vraiment d'empressement et puis je suis tombé sous le charme et dans le suspense.
Construit comme un documentaire policier, avec des trahisons, des rebondissements des coups de théâtre, cette histoire nous décrit la génèse du concerto K. 621b qui se transformera en K.622. Passionnant. Je vous retranscris le fil au plus près de ce que j'ai compris, après l'avoir visionné stylo et carnet de notes en main.
J'ai essayé d'être fidèle au réalisateur le plus possible à ceci près, que j'ai divisé "l'intrigue" en chapitre. Ceci pour une meilleure lisibilité.
Chaque chapitre comportera un résumé final.
Les textes sont donc ceux que j'ai entendus (à 90%) Ils sont entrecoupés dans le DVD, par des extraits d'oeuvres, d'images superbes de partition et d'instruments, ainsi que des commentaires de Gilles Thomé et de HC Robbins Landon.
(J'espère que vous prendrez autant de plaisir que j'ai eu à suivre cette magnifique réalisation)
Mozart et l’énigme du K621b. Film de Olivier Julien et Thierry Nutchey., d’après une idée de Gilles Thomé. Avec la participation de MM. Gilles Thomé et HC Robbins Landon.
Chapitre 1.
Wintertur (Suisse) début de l’histoire, où se trouve le manuscrit original du Co pour clarinette. Il ne subsiste seulement qu’un manuscrit de 12 pages K.621b (1er mouvement) – il faut savoir que tous les manuscrits des œuvres de Mozart pour clarinette ont disparu – écrit initialement pour cor de basset (noté tel quel sur la partition « für Basset Horn »)
1re page : cor de basset en sol. Partition écrite d’un seul jet (presque sans rature).
6e page : un do# grave, note incroyable puis un saut de 3 octaves.
Suite : passage noté d’un seul élan qui pousse toujours plus loin les possibilités de l’interprète et de l’instrument.
10e page : l’écriture change soudain, plus sombre, plus fine, plus nerveuse (autre plume, autre jour ?) L’accompagnement n’est plus en sol mais en la, Mozart avait changé d’idée et opté pour une clarinette.
12e page : le manuscrit s’interrompt brutalement.
Le filigrane du manuscrit pourrait aider à dater la partition.
Résumé du 1er chapitre : l’instrument destiné pour ce Concerto était un cor de basset capable d’atteindre le do# grave. La partition commence en accompagnement en sol puis en 2e partie change soudain pour un accompagnement en la. Pourquoi Mozart a-t-il abandonné l’instrument initial, source de son imagination ?
Chapitre 2
Il n’existe que 3 cors de basset en sol dans le monde. 2 sont signés par les frères Mehroffer de Passau ( ?), instruments splendides mais rudimentaires incapables d’atteindre le do# grave. Le 3e se trouvait dans les réserves du Deutsches Museum à Munich. Ne possède pas non plus le do# grave et surtout date de 30 ans après la mort de Mozart. Aucun instrument existant ne permet donc de jouer la partition qui devra rester muette. Gilles Thomé conclue qu’il devra fabriquer lui-même l’instrument.
HC Robbins Landon exprime son enthousiasme devant le projet de Gilles Thomé : pouvoir enfin jouer la partition originale en sol.
Recherches de modèles suivant ceux qui existent comme modèles en fa, du XVIIIe siècle.
Chaque facteur avait créé son propre modèle et il existe une quantité énorme de variétés. Chacun essayant de compléter un registre dans les graves de plus en plus étendu. (magnifiques images de cors de basset datant de 1780 à 1820 environ)
Remarque : le cor de basset s’est très tôt stabilisé en fa et Mozart a écrit une partition pour un instrument qui n’existera dans sa forme la plus aboutie, que 30 ans après la mort du compositeur. Le mystère est complet.
Résumé du 2e chapitre : Il n’existe pas d’instrument de l’époque capable de pouvoir interpréter la partition originale. Le cor de basset s’est très tôt stabilisé en fa. Gilles Thomé devra fabriquer un instrument en sol capable de jouer le do# grave.
Chapitre 3
Avec l’aide des documents en possession de HC Robbins Landon, le filigrane révèle que le papier utilisé pour le K621b l’a déjà été pour la symphonie Prague (1786-1787), le concerto du Couronnement, la Flûte enchantée. C’est donc un papier conservé et réutilisé en 1791. L’esquisse du Concerto commencerait donc autour de 1786-1787, il faudra attendre 5 ans pour voir la partition apparaître officiellement (avant-dernière pièce inscrite au catalogue de ses œuvres en tant que concerto pour clarinette).
Mozart l’a dédié à Stadler.
Il reste une lettre de Anton Stadler datée de novembre 1781, qui démontre qu’il était déjà virtuose (avec son frère Johann) du cor de basset et de la clarinette. Mozart a fait la connaissance des Stadler en mars 1781, lorsqu’il était en mission à Vienne, où il les remarqua comme 1er et 2e clarinettes d’un orchestre composé uniquement de vents (orchestre impérial de Vienne).
Mozart s’inspirera de cette orchestre pour composer la Gran Partita..
Stadler, à l’époque, était une sorte de vedette. Mozart lui confiera la clarinette du nouveau quintette (K.452) qu’il créera pour l’occasion, il pensait avoir réalisé là sa meilleure composition et il l’écrivit à son père : « Tu aurais dû entendre comme ils ont joliment joué ». HC Robbins Landon fait remarquer que Mozart (comme d’ailleurs Haydn) ne se vante jamais. Ce quintette dût être un grand succès.
Résumé du 3e chapitre : L’esquisse du concerto aurait commencé aux environs de 1786. Il était dédié à Anton Stadler. Stadler est un très grand interprète et une sorte de vedette de l’époque. Mozart écrira plusieurs pièces pour cet interprète.
Chapitre 4 :
C’était à Vienne que se trouvait la 2e pièce de ce puzzle : une copie manuscrite de la seule autre partition pour cor de basset en sol : nocturne pour voix clarinette et cor de basset daté d’approximativement 1785-1786.
Sur le manuscrit est noté : 6 nocturnes composés par Gottfried Jacquin ». La partie pour cor de basset est très délicate comme pour le concerto et réclamait un ré# grave ; les dates concordaient : c’était bien sûr le même instrument.
HC Robbins Landon décrit avec passion les soirées que donnaient hebdomadairement les Jacquin et précise que Gottfried avait publié sous son nom, des partitions écrites de la main de Mozart. Le nocturne était bien de lui. Mozart avait publié à cette époque des pièces où la clarinette tenait un rôle prépondérant, la plus célèbre : le trio des quilles K.498.
Ces soirées avaient dû être l’occasion pour Mozart et Anton Stadler l’occasion de pousser toujours plus loin les possibilités de l’instrument. Stadler lui-même réalisait des innovations sur les notes graves du cor de basset impossibles à jouer à la clarinette. Les notes graves de Stadler faisaient penser au do# et ré# du concerto et du nocturne. Le cor de basset était donc le fruit des recherches d’un facteur très en avance sur son époque et sans doute proche de Mozart, puisqu’en 1784-1785, cet instrument était chez les Jacquin.
Résumé du 4e chapitre : Un deuxième partition pour cor de basset, s’aventure dans le grave. Signée G. Jacquin, cette partition est également de Mozart. Stadler innovait dans ce registre. Il y avait donc une relation entre les Jacquin, Mozart, Stadler et le facteur de cet instrument.
Chapitre 5 :
Il ne faut pas perdre de vue que Anton Stadler avait une mauvaise réputation : instable, pas vraiment honnête. En 1787, Mozart et Stadler se trouvent à Prague pour fêter le triomphe des Noces. Stadler était le clarinettiste attitré de Mozart et un de ses plus proches amis.
Les premiers biographes précisent que Anton Stadler aurait profité de la confiance de Mozart pour lui soutirer d’énormes sommes d’argent. Constance laissera entendre dans une lettre que c’est Stadler qui serait responsable de la disparition du Concerto et probablement d’autres œuvres : « il faut prendre contact avec le clarinettiste Stadler au sujet de partitions pour cet instrument. Il en a plusieurs originales et possède encore des trios inconnus pour Cor de basset en copie. Il prétend que ces œuvres enfermées dans son coffre lui ont été volées dans l’empire. Mais d’autres m’affirment que ce coffre a été mis en gage pour la somme de 73 ducats ; il y avait dans ce coffre des objets et des instruments avec les originaux. » Quels trésors y avait-il dans ce coffre, quelles partitions avons-nous manquées ?
Mozart n’a jamais douté de son ami. Quelques semaines avant sa mort, il écrivait une lettre où il disait achever le dernier mouvement du concerto qu’il lui destinait. Sept ans après leur première rencontre, il s’émerveillait toujours de la virtuosité de Stadler. « …Miracle bohémien … » l’appelle-t-il dans une lettre à sa femme, à propos de la Clémence.
Stadler reçut la partition du concerto qu’il attendait pour débuter une grande tournée dans l’Empire (tournée qui verra son coffre disparaître).
Le 16/10/1791 Stadler donnait la première de son concerto (Prague ?)
Dans la liste des biens, à la mort de Mozart, il y avait mention d’une somme de 500 florins que lui devait Anton Stadler. Est-ce la somme promise à payer après la tournée, pour la réalisation du Concerto qu’il lui avait commandé ?, pense HC Robbins Landon.